Quelques jours après les propos de Félix Tshisekedi contre une « dérive dangereuse » au sein de l'Eglise catholique, le débat refait surface sur la participation de l'Eglise dans la politique.
« Le président Tshisekedi a intérêt à se libérer des lobbies de pasteurs et de charlatans assoiffés d'argent », c'est la phrase choc de Mgr Fulgence Muteba dans une interview parue dans Jeune Afrique, mercredi 28 juin. L'archevêque métropolitain de Lubumbashi révèle que le chef de l'Etat est plongé dans un endoctrinement venant droit des églises dites de réveil en RDC.
Félix Tshisekedi lui-même se qualifie « d'évangélique » pour faire allusion à ces églises issues du protestantisme et qui tirent leur origine du modèle anglo-saxon. D'ailleurs, ce 30 juin 2023, jour commémoratif du 63e anniversaire de l'indépendance du pays, un culte d'actions de grâces organisé par ces églises aura lieu au Stade des Martyrs de Kinshasa. Comme en Juin 2019, la présence du président de la République est signalée à cet événement. Preuve de son attachement à sa foi évangélique. Dans Jeune Afrique, un de ses proches témoignait que « sa foi a eu une dimension très importante dans son arrivée au pouvoir ».
Prophétie et mise en garde
Très religieux et attaché aux valeurs chrétiennes, Félix Tshisekedi est membre d'une Église locale reconnue à Kinshasa. Au lendemain de son élection à la tête du pays, il a été au Centre Missionnaire Philadelphie pour bénéficier de l'imposition des mains de ses « pères spirituels ». Parmi les gardiens spirituels plus en vue du chef de l'Etat, figure Roland Dalo. Ce pasteur évangélique très respecté à Kinshasa est auteur de plusieurs visions venant de Dieu pour le président Tshisekedi. « Ils avaient une réunion et sur la table, il y avait un seul point à l'ordre : il faut faire avec le Président du Congo ce qu'on a fait avec M'zee Kabila c'est-à-dire l'éliminer physiquement », disait-il en novembre 2022 à propos d'un complot préparé contre le chef de l'Etat de la RDC.
Quand de leur côté, la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) dénonce ouvertement le recul constaté dans les domaines des droits humains en RDC, cela s'apparente à un duel à distance entre les Eglises pentecôtistes pro-Tshisekedi et l'Eglise catholique considérée comme le relai de la voix de l'opposition.
Mais rien n'empêche que les accusations de L'Archevêque de Lubumbashi sur la présence encombrante des pasteurs autour du Chef de l'Etat s'apparente à une chasse aux intérêts privés que ceux de la population. « Et il est allé plus loin en nommant comme conseillers des pasteurs pentecôtistes dont la présence est marquante auprès de la Présidence de la République. Cette forte intrusion du spirituel dans le champ politique peut faire craindre une certaine naïveté qui s’accorde mal avec la raison d’Etat », dénonce le professeur de Philosophie, à l'Université Catholique du Congo, Jean Onaotsho Kawende.
Loi Tshiani
Si dans le soutien indéfectible au chef de l'Etat, l'Eglise catholique et certaines Eglises pentecôtistes ne parviennent à accorder leurs violons, un autre sujet les divise plus que jamais : le projet de loi sur la nationalité. Porté par l'économiste Noël Tshiani, ce projet de loi préconise que seuls les candidats nés des parents congolais d'origine seront éligibles à la prochaine présidentielle et à d'autres hautes fonctions. La CENCO à travers sa dernière note a dénoncé « la tentative de projets de lois discriminatoires ». Le cardinal Fridolin Ambongo a plusieurs fois fustigé ce projet qu'il appelle de « Congolité ». De l'autre côté, L'Évêque Pascal Mukuna, pasteur d'une grande église à Kinshasa et soutien du président Tshisekedi a convié Noël Tshiani à un de ses cultes pour vulgariser son projet de loi.
A l'approche des élections, les Eglises du Congo sont encore au cœur du débat politique. Leurs discours seront à coup sûr scrutés pour les prochaines échéances.