A l’occasion du lancement 2 août 2023 de la journée commémorative du génocide congolais, le président de la République Démocratique du Congo, Félix Tshisekedi avait encouragé le parlement congolais à prendre des lois visant à écarter les auteurs des crimes de l’accès aux postes de responsabilités. Il avait exprimé son souhait de mettre fin à la politique immorale d’accorder des promotions à ceux qui devraient répondre de leurs actes devant la justice nationale et internationale. C’est dans ce contexte que le prix Nobel congolais Denis Mukwege a relancé jeudi 3 aout dans un communiqué la nuit, son plaidoyer pour garantir qu’à l’instar de tous les peuples martyrs de la barbarie humaine, les victimes des atrocités de masse commises depuis des décennies en RDC, aient droit à une justice holistique, incluant la justice, la vérité, des réparations et des garanties de non répétition. Selon lui, ce n’est que dans ces conditions que l’on pourra parler de réconciliation et parachever la transition de la dictature à la démocratie et de la guerre à la paix.
«En effet, le chef de l’État ne semble pas saisir l’importance d’intégrer les réformes institutionnelles dans la mise en œuvre d’une stratégie nationale holistique de justice transitionnelle, alors que le lien le plus manifeste entre la justice transitionnelle et la réforme des institutions, consiste précisément dans la mise en place d’une procédure d’assainissement (vetting) des agents de l’Etat. De plus, le Président n’apparaît pas sensible au respect du principe de cohérence, lui qui a, entre autres, profité du dernier remaniement du gouvernement en mars 2023 pour nommer 2 ex-chefs de guerre au rang de Ministre et Vice-Premier Ministre, après avoir désigné, deux ans plus tôt, soit le 7 août 2021, un ancien cadre du Rassemblement Congolais pour la Démocratie et chef d’une milice, l’Alliance de Libération de l’Est du Congo (ALEC) proche du M23 et du Rwanda, au poste de coordinateur national du Programme National de Démobilisation, Désarmement, Relèvement Communautaire et Stabilisation (PDDRC-SS)», telle est la réaction de Denis Mukwege au discours de Félix Tshisekedi du 2 août 2023, tenu à l’occasion de la journée commémorative des victimes de guerre en RDC (Génocost).
L’expression de la volonté politique du président de la république de placer la justice transitionnelle à l’agenda du gouvernement en décembre 2020, avait suscité l’espoir que les autorités congolaises adoptent et mettent en œuvre une stratégie nationale de justice transitionnelle, comme le recommandent de nombreux rapports, y compris le rapport Mapping du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme. En vue d’enrichir le débat, la Fondation Panzi a publié en juin 2021 une « Note de plaidoyer pour l’adoption d’une stratégie nationale holistique de justice transitionnelle en RDC », en insistant sur la nécessité de combiner des mécanismes judiciaires et non judiciaires, qui sont complémentaires, et de prioriser les poursuites judiciaires pour mettre fin à l’impunité et les réformes institutionnelles pour garantir la non répétition.