La scène s’est déroulée le lundi 10 juillet 2023, sur l’avenue du Tourisme, commune de Ngaliema entre 21 et 22 heures. La trentaine, une dame a échappé à un enlèvement pendant qu’elle rentrait chez elle, alors que sa montre indiquait 21h40. Son mari, qui a raconté cette histoire, était pris de panique.
Les habitants de Kinshasa vivent dans la terreur depuis près de six mois. La ville connaît une série d’enlèvements dans les transports en commun. Avec la révélation de certains malfaiteurs, arrêtés et condamnés à la peine de mort, de nombreux Kinois sont devenus vigilants.
Daniel et Maguy [noms d’emprunt pour conserver l’anonymat] sont mariés et ont deux enfants. Ils habitent le quartier Kinsuka dans la commune de Ngaliema et travaillent au centre-ville dans la commune de la Gombe.
« Depuis que les séries d’enlèvements ont repris dans la ville de Kinshasa, je suis obligé de l’attendre chaque jour pour rentrer ensemble. Elle finit à 19h30 et moi à 20 heures. Je suis ingénieur réseau et ce jour-là, je travaillais pour un client au rond-point Huileries jusqu’à 20h30 », raconte Daniel alors qu’il avait demandé à son épouse Maguy de prendre un taxi-bus pour l’attendre à Kintambo Magasin.
Assise sur une terrasse au lieu du rendez-vous, Maguy s’impatiente de rentrer afin de retrouver ses deux enfants gardés par sa maman à l’absence de la femme de ménage, qui a fini son boulot depuis 16 heures. Elle appelle son mari avec insistance jusqu’à 20 heures pile, mais ce dernier ne se libérait pas. « Mon chéri, maman doit partir à un deuil et n’attend que nous pour la relever, tu en as encore pour longtemps ? », demande-t-elle avant que Daniel ne précise qu’il terminera dans 30 minutes. Irritée, elle demande à son mari de partir sans lui. Daniel sans réellement le souhaiter, l’autorise.
Trois taxis chargent à l’arrêt de bus sous un fort éclairage. Un taximan avec son véhicule aux vitres baissées et lampe interne allumée, signale Maguy qu’il part sans attendre à charger complètement. Elle hésite mais le taxi étant vide, elle monte. Le chauffeur klaxonne pour signaler aux autres personnes à l’arrêt de bus qu’il part, mais personne d’autre ne monte à bord. Comme tout taximan normal, il continue de klaxonner pour prendre d’éventuels clients en cours de route.
Sur la route de Matadi dans son tronçon compris entre Magasin et le Mont Ngaliema, deux autres personnes, un homme et une femme montent à bord du véhicule. Maguy ne se doute de rien parce qu’ayant pris place à bord devant côté passager. Le taxi roule jusqu’à l’hôpital de la Rive. Un homme fait signe, un client visiblement. « Suka mur ? » demande-t-il, non « Mimosas arrêt pharmacie », rétorque le chauffeur. L’autre client monte à l’arrière, côté droit et remonte subitement la vitre alléguant qu’il fait froid. Le chauffeur et le client du côté gauche font de même. Seule Maguy laisse la vitre baissée. Quelques secondes après, elle se met à tousser tout doucement puis de manière répétitive.
Maguy veut faire une note vocale WhatsApp à son mari, mais elle tousse davantage. Elle regarde le chauffeur et ce dernier fuit son regard. Vite, elle comprend que quelque chose ne va pas. Derrière les trois autres passagers ont placé des masques. Elle jette un coup d’œil sur son rétroviseur et voit deux motards derrière le taxi et demande subitement à descendre: « Je veux descendre maintenant », dit-elle en Lingala. Le chauffeur lui dit que c’est dangereux sur ce tronçon, mais qu’elle descendrait au niveau du site touristique Atlantis, à quelques 300 mètres à peu près. Niet dit Maguy. Elle place son avant-bras sur la portière pour empêcher le chauffeur de remonter la vitre totalement. Elle agite sa main droite à l’extérieur du véhicule avec une bouteille d’eau. Le motard qui roulait à droite du taxi jaune, remarque et s’approche pour faire des reproches à Maguy. Elle en profite pour dire au motard que le chauffeur ne veut pas la laisser descendre. Ce qui alerte les autres motards qui s’approchent. Il y a maintenant trois motards avec les clients qui somment le taximan de s’arrêter. Ce dernier dépose Maguy et remonte vite la vitre et bloque toutes les portières.
Pendant que les motards appellent au secours, les militaires de la garde présidentielle qu’ils ont aperçus de loin, le taximan fait une manœuvre brusque et repart en vitesse avec les autres personnes à bord.
Daniel lui, continue d’appeler Maguy avec insistance, mais en vain. Et pourtant, il y a peu, elle lui a annoncé qu’elle était à bord d’un taxi et quelques minutes après, lui a laissé une note vocale dont il ne comprend pas le sens parce que Maguy toussait. « J’ai vu le pire défiler devant moi en peu de temps », révèle-t-il à Sud Express International.
Le ministre de l’Intérieur Peter Kazadi avait informé le lundi 10 juillet que la Police continue de rechercher les autres groupes de criminels, auteurs d’enlèvements dans les transports en commun. La psychose s’est installée chez les Kinois, qui ne savent plus se déplacer aisément.