Après la décision du CSAC suspendant la chaîne de télévision CML13, les journalistes congolais sont pointés encore du doigt à cause de leurs accointances avec le monde politique. Décryptage.

Une décision radicale. Le Conseil supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication (CSAC) a suspendu d'antenne le journaliste Louis-France Kuzikesa. Lors d'une émission sur la chaîne de télévision CML13, le samedi 20 mai, Louis-France Kuzikesa, proche de l'opposition, «a fait véhiculer le discours de la haine ainsi que des propos tendant à inciter à la violence contre une tribu et à des attaques personnelles.», révèle le CSAC ce mardi dans son communiqué. 

Pendant 72 jours, le journaliste est interdit de passer dans tous les médias de la RDC. Les deux députés, Daniel Nsafu et Mike Mukebayi, auteurs de propos jugés discriminatoires ont quant à eux, écopé d'une privation de passage dans les médias d'une durée de 90 jours. 

Le cas Kuzikesa

L'argument de la liberté d'expression est mise en avant pour justifier certains dérapages sur les plateaux de télévision. La mise en scène tribalo-ethnique mise en lumière par Mike Mukebayi et Daniel Nsafu, arbitrés par Louis-France Kuzikesa samedi dernier, résume l'usage à contresens de ce terme. Si leurs propos ont pu heurter, on pourrait dire que depuis maintenant des années, les plateaux télés sortent des choses les plus ahurissantes sous un silence assourdissant des organes de régulation. 

Louis-France Kuzikesa est aujourd'hui reconnu sur les réseaux sociaux pour son opposition farouche à Félix Tshisekedi. À travers ses tweets récurrents, il ne rate pas de tirer à boulets rouges sur le pouvoir en place. 

Comment en sommes-nous arrivés au point où un journaliste déroule un tapis rouge à des hommes politiques venus s'en prendre à une tribu déterminée ? 

Les insultes, les discriminations et des propos de haine deviennent un fonds de commerce pour les journalistes. Eux-mêmes, devenus caisses de résonance des hommes politiques auxquels certains ont fait allégeance. 

Les journalistes sont-ils indépendants ? 

Depuis l'acquisition des chaînes de télévision par les hommes politiques dans les années 90 voire 2000, les frontières entre l'indépendance du journaliste et le monde politique, sont devenues poreuses. À défaut d'avoir une indépendance financière, les médias ont compromis depuis maintenant des années, leur indépendance éditoriale. Les journalistes affichent désormais dans leurs vies publiques ou sur des réseaux sociaux, des connivences avec le monde politique et économique. Conséquence: l'indépendance n'est jamais totale dans les rédactions.

L'actionnariat des politiques dans le monde des médias a aussi poussé la corporation des journalistes à se scinder en bloc équipe. Entre les journalistes du pouvoir et ceux de l'opposition, il y a milles pas. Le traitement de l'information et les commentaires sur les médias suivent une logique propre au plus offrant. 

Comment peut-on prétendre appartenir à une presse libre quand les journalistes sont amenés à l'étranger aux frais de l'ex-première dame Olive Lembe? Comment défendre une presse plurielle quand les journalistes sont en même temps dans les rédactions le matin et l'après-midi midi dans les cabinets ministériels ? Une fois de plus, le cordon sanitaire entre le journaliste et le monde politique n'a jamais été aussi rompu. 

Médias de clash

Dans un paysage médiatique saturé, les médias en RDC sont à la recherche de la palme du buzz. À contre-pied des règles d'éthique et de déontologie, les plateaux de télévision surtout, partent à la recherche du sensationnel. Entre vie privée, diffamation et Fake news, tout est à prendre, à condition de faire le buzz.

La salubrité médiatique vantée vient des politiques. Et les journalistes eux-mêmes, encore à la recherche de la petite phrase n'ont jamais pensé à l'assainissement de leur milieu.