Dans un entretien accordé au magazine jeune Afrique, Paul Kagame s’est exprimé sur les tensions qui règnent entre la RDC et le Rwanda, sa posture vis-à-vis du M23, des FDLR et du gouvernement congolais.
D’entrée de jeu, Paul Kagame a refusé que son pays soit pointé du doigt comme bouc émissaire des dirigeants congolais. Il a ensuite donné sa vision de la situation à l’Est de la RDC, non sans déclaré que le Rwanda se trouvait aussi dans l’insécurité.
«Permettez-moi de faire un peu d’histoire, tant il est difficile de comprendre la situation actuelle hors de son contexte. L’Est de la RDC est en état d’instabilité quasi permanent depuis 1994. À l’époque, près de 2 millions de Rwandais avaient fui le pays pour s’y réfugier. La majorité d’entre eux est, depuis, rentrée au Rwanda, mais une minorité est restée sur place, ce qui constitue encore aujourd’hui un facteur d’insécurité pour nous. À cela s’ajoute la centaine de groupes armés congolais qui sévissent dans cette région. La plupart sont des milices d’autodéfense formées sur des bases ethniques.», a-t-il précisé.
A en croire le président rwandais, depuis plus de deux décennies, l’ONU entretient à coup de milliards de dollars, une force censée stabiliser les deux Kivus, mais le résultat est quasi inexistant.
« Et comme il fallait bien trouver un responsable à cet échec, le Rwanda fait figure de bouc émissaire. Il l’est aux yeux d’une communauté internationale qui a failli, et il l’est pour les responsables congolais, trop heureux de trouver une excuse à leur propre incapacité. Je peux entendre que le Rwanda est partie au problème de l’Est, mais comment soutenir qu’il est le problème, le seul et l’unique ? C’est tout simplement malhonnête et, surtout, totalement contre-productif. Tant que les puissances extérieures et les gouvernements congolais successifs entonneront ce refrain, il n’y aura pas de solution durable aux maux qui minent l’Est de la RDC. Il est absolument clair à mes yeux que la responsabilité de cette situation incombe d’abord aux autorités congolaises et, ensuite, aux pays occidentaux parties prenantes dans la genèse du problème.», a-t-il expliqué, avant de trancher d'un ton ferme : « je vous l’assure, de mon vivant et du vivant des générations futures, il n’y aura plus jamais de génocide au Rwanda. Dussions-nous pour cela nous battre avec des arcs, des lances et des pierres, cela n’arrivera plus».
À la question de savoir si les revendications du M23 sont fondées, Paul Kagame rejette tout en bloc et fait porter le chapeau à Félix Tshisekedi.
« Lors d’un sommet, en 2022, j’ai posé au président Félix Tshisekedi la question suivante : ne perdons pas notre temps à tourner autour du pot. Considérez-vous les membres du M23, leurs familles et les dizaines de milliers de réfugiés issus de la même communauté qu’eux, comme des Congolais ou comme des Rwandais ? Il m’a répondu, en présence des autres chefs d’États : Ce sont des Congolais. Dont acte. Des Congolais d’origine ou de culture rwandaise peut-être, mais des citoyens congolais, tout comme il existe, dans le sud de l’Ouganda, des districts peuplés d’Ougandais rwandophones sans que cela pose la moindre difficulté. Dès lors, si leur intégration au Congo soulève un problème, en quoi serais-je responsable ? En revanche, là où cela a un impact sur nous, c’est quand des centaines de familles chassées de chez elles après avoir été stigmatisées comme rwandaises ou tutsies viennent se réfugier ici. Ces ressortissants congolais victimes de discriminations ethniques sont près de 80.000 au Rwanda chez eux (et depuis bien plus d’un siècle pour beaucoup), c’est l’est du Congo !», a-t-il fait souligné.
Paul Kagame a soutenu que sous Joseph Kabila, plusieurs démarches et promesses ont été faites pour régler cette situation, mais sans aucun résultat. L’actuel chef de l'Etat congolais, aurait également fait les mêmes promesses, et des dirigeants du M23 se sont rendus à Kinshasa, où ils ont tourné en rond pendant quatre mois sans être reçus.
«Le M23, dont les éléments étaient en majorité réfugiés en Ouganda, s’est donc senti floué et fondé à reprendre la lutte pour faire valoir ses droits.», a conclu Paul Kagame.